Disproportion et défaut de mise en garde en matière de cautionnement : les limites
De manière systématique, pour se défendre, les cautions font valoir les arguments tirés de la disproportion de l’engagement, ainsi que le manquement par le créancier à son obligation de mise en garde.
Il convient cependant de relever que ces moyens de défense comportent de nombreuses limites.
La disproportion est une question de fait soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond (Civ. 1re, 4 mai 2012, n° 11-11.461) et il ne saurait être fait application d’un barème relatif à un taux d’endettement.
La Cour de cassation considère que l’engagement de caution conclu par une personne physique au profit d’un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionnés aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l’absence d’anomalie apparente, n’a pas à vérifier l’exactitude (Com, 14 décembre 2010 : Bull. civ. IV n°198).
De même, la banque n’engage pas sa responsabilité lorsque le client lui a dissimulé sa situation réelle (Cass. 1e civ. 30-10-2007 n° 06-17.003 : BRDA 22/07 inf. 18) et elle n’a pas à rechercher si la situation réelle de l’emprunteur est différente de celle qui lui est présentée ; elle n’a pas à procéder à des investigations pour déterminer le niveau de l’endettement de l’emprunteur (CA Paris 09/11/1995, 8ème chambre B, RJDA 5/96 n°655 ; CA Versailles 27/05/2003 n°00-7545, première chambre, RJDA 12/03 n°1225).
Dès lors, et sauf anomalies apparentes, la banque peut considérer sur la base de déclarations erronées que le cautionnement ne présente aucun risque pour son cocontractant et n’engagera donc pas sa responsabilité contractuelle. (Cassation, Com, 10 mars 2015, n°13-15.867 + Cassation, 1Civile, 18 février 2015, n°13-26.265)
Si s’agissant des revenus escomptés de l’opération garantie, ils ne peuvent être pris en considération, la valeur des parts sociales détenues par la caution figure parmi les éléments de patrimoine permettant d’évaluer la disproportion de l’engagement.
En effet, dans un arrêt du 26 janvier 2016, la Cour de cassation rappelle que les parts sociales détenues par la caution de l’entreprise garantie et son compte courant d’associé font partie du patrimoine devant être pris en considération pour apprécier la proportionnalité de l’engagement de caution (Cass. com., 26 janv. 2016, n° 13-28378).
L’obligation de mise en garde a été initiée par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2005, pourvoi n°03-10.921) et a été reconnue à plusieurs reprises par la jurisprudence par la suite.
L’obligation incombe à l’établissement bancaire lorsque la caution ne détient pas les compétences lui permettant de mesurer les risques encourus par son engagement, la jurisprudence estimant dans ce cas que la caution ne dispose pas d’un consentement suffisamment éclairé : la caution est dite « non avertie ».
La banque doit alors se renseigner, vérifier les capacités financières de la caution et évaluer le caractère excessif ou non de l’engagement eu égard aux facultés contributives de cette dernière.
Au contraire, si la caution est considérée comme « avertie », c’est-à-dire si elle dispose des compétences nécessaires et suffisantes pour évaluer les risques sur les concours consentis, l’établissement bancaire est dégagé de son obligation de mise en garde, sauf à démontrer pour la caution que la banque disposait d’informations qu’elle même aurait ignorées concernant sa situation financière (Cass. com., 13 février 2007, pourvoi n°04-19.727).
Or, récemment, la Cour de Cassation a rappelé que pesait sur le dirigeant d’une société une présomption de ce qu’il était une caution avertie. (Cass. com., 18 janvier 2017, n°15-12.723).
En outre il doit être rappelé que même si la caution devait être considérée comme profane, la Cour de cassation a considéré que le devoir de mise en garde n’était dû que si le crédit consenti a été manifestement excessif à raison des capacités financières de l’emprunteur. (Cass. Com. 19 novembre 2009 n° 08-13601 ; Cass. Civ.1 17 décembre 2009 n°08-11.866).
En d’autres termes la banque n’est pas tenue à un devoir de mise en garde en l’absence de risque caractérisé d’endettement né de l’octroi du prêt au moment de l’engagement de la caution (Cass. Com., 13 sept. 2016, n° 15-11.130).
Il sera rappelé qu’en en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire de leur débiteur, les banques ne sont pas responsables des préjudices causés du fait des concours consentis, (Code de Commerce art. L. 650-1, al. 1).
Enfin s’agissant de la sanction, le préjudice né du manquement par une banque à son obligation d’éclairer sur l’adéquation de l’opération proposée à la situation personnelle de son client s’analyse en une perte de chance de ne pas contracter, laquelle ne peut qu’être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée (cass.com,13 sept.2011, n°10-20.644 : Jurisdata n°2011-018739)
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